|
En matière de liberté religieuse Adoptée le 16 janvier 1786 |
Considérant que Dieu tout puissant a créé l’esprit libre ; que toutes les tentatives pour l’influencer par des punitions ou contraintes temporelles, ou privations de droits civiques ont pour seul effet d’encourager des habitudes d’hypocrisie et de mesquinerie, et s’écartent du plan du Saint auteur de notre religion, qui bien que Seigneur à la fois des corps et des esprits, a néanmoins choisi de ne pas la propager par la contrainte sur les uns ou les autres, ainsi qu’il était en sa Toute puissance de le faire ; que la présomption impie des législateurs et gouvernants, tant civils qu’ecclésiastiques, qui bien que n’étant eux mêmes que des hommes faillibles et dépourvus d’inspiration, n’en ont pas moins assumé une autorité souveraine sur la foi d’autrui, érigeant leurs propres opinions et modes de pensée en seules vérités et avis infaillibles, et à ce titre s’efforçant de les imposer à d’autres, a établi et maintenu de fausses religions, dans la plus grande partie du monde et de tout temps ; que contraindre un homme à contribuer par de l’argent à la propagation d’opinions auxquelles il ne croit pas est autant péché que tyrannie ; que le simple fait de le forcer à apporter un soutien à tel ou tel enseignant de sa conviction religieuse le prive de la large liberté d’offrir sa contribution au pasteur dont il pourrait faire siens les principes moraux et dont il considère la force de persuasion au bien et à la justice comme la plus puissante, et prive le ministre de ces récompenses temporelles qui, procédant de l’approbation de sa conduite personnelle, sont autant d’incitations à œuvrer, assidûment et incessamment, à l’instruction de l’humanité ; que nos droits civiques ne dépendent en rien de nos opinions religieuses, pas plus que de nos opinions en physique ou en géométrie ; qu’en conséquence, le fait d’écarter un citoyen, comme indigne de la confiance du public, en le tenant pour indigne d’être appelé aux fonctions de confiance et lucratives, à moins qu’il ne professe telle ou telle opinion religieuse, ou n’y renonce, revient à le priver, en le lésant, de privilèges et d’avantages auxquels, au même titre que ces concitoyens, il peut naturellement prétendre ; que cette pratique tend uniquement à corrompre les principes de la religion qu’elle entend encourager, en soudoyant, par le monopole des honneurs et des émoluments de ce monde, ceux qui la professent et s’y conforment en apparence ; que bien qu’en effet soient criminels ceux qui succombent à cette tentation, ne sont pas pour autant innocents ceux qui pavent d’appâts leur chemin ; que souffrir que le magistrat civil étende ses pouvoirs au royaume de l’opinion, et qu’il restreigne la profession ou la propagation de principes en les présupposant nocifs, est une erreur dangereuse, qui détruit immédiatement toute liberté de religion, car étant bien sûr un juge de cette tendance, il fera de ses opinions l’aune de son jugement, et approuvera ou condamnera les sentiments des autres uniquement en ce qu’ils s’accordent avec les siens propres, ou qu’ils en diffèrent ; qu’il suffit, au regard des justes principes du gouvernement civil, que ses agents interviennent lorsque des principes se traduisent par des actions ouvertes contre la paix et le bon ordre ; et finalement, que la vérité est grande et que, laissée à elle-même, elle prévaudra spontanément ; qu’elle est l’adversaire adéquat et suffisant de l’erreur ; et qu’elle n’a rien à craindre du conflit, à moins que, par l’intervention humaine, elle ne soit privée de ses armes naturelles, la liberté d’argumentation et de débat, les erreurs cessant d’être dangereuses lorsqu’il est permis de les contredire librement ; qu’il soit adopté en forme de loi, par l’Assemblée générale, qu’aucun homme ne sera contraint à fréquenter ou soutenir un culte, lieu ou ministère d’une quelconque religion, ni ne sera soumis à des contraintes, restrictions, persécutions ou charges, dans son corps ou ses biens, ni n’aura à souffrir autrement de ses opinions ou convictions religieuses ; mais que tout homme sera libre de professer, et de maintenir par l’argumentation, ses opinions en matière de religion, et que cela n’aura en aucune manière pour effet de limiter, d’étendre ou d’affecter ses capacités en matière civile. Et, encore que nous sachions fort bien que cette assemblée, élue par le peuple aux seules fins de légiférer à l’ordinaire, n’a pas le pouvoir de limiter les actes de celles qui la suivront, constituées avec des pouvoirs égaux aux nôtres, et qu’ainsi, le fait de déclarer cet acte irrévocable ne serait d’aucun effet en droit, nous n’en sommes pas moins libres de déclarer, et nous déclarons, que les droits affirmés par les présentes sont les droits naturels de l’humanité, et que si, à l’avenir, un acte quelconque est adopté pour abroger celui-ci, ou réduire son champ d’application, cet acte constituera la violation d’un droit naturel. |